domingo, 9 de noviembre de 2008

Poésies. Un saison en enfer. Illuminations. Arthur Rimbaud

► Première Soirée
- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d'aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
- Je regardai, couleur de cire,
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, - mouche au rosier.
- Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s'égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : " Veux-tu finir ! "
- La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
- Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
- Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : " Oh ! c'est encor mieux !...
Monsieur, j'ai deux mots à te dire... "
- Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D'un bon rire qui voulait bien...
- Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.

► Soleil et chair
Le Monde a soif d’amour : tu viendras l’apaiser

► Ma bohème (fantaisie)
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées;
Mon paletot soudain devenait idéal;
J'allais sous le ciel, Muse, et j'étais ton féal;
Oh! là là! que d'amours splendides j'ai rêvées!
Mon unique culotte avait un large trou.
Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur!

► Voyelles
A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu : voyelles,
Je dirai quelque jour vos naissances latentes :
A, noir corset velu des mouches éclatantes
Qui bombinent autour des puanteurs cruelles,
Golfes d'ombre ; E, candeurs des vapeurs et des tentes,
Lances des glaciers fiers, rois blancs, frissons d'ombelles ;
I, pourpres, sang craché, rire des lèvres belles
Dans la colère ou les ivresses pénitentes ;
U, cycles, vibrement divins des mers virides,
Paix des pâtis semés d'animaux, paix des rides
Que l'alchimie imprime aux grands fronts studieux ;
O, suprême Clairon plein des strideurs étranges,
Silences traversés des Mondes et des Anges :
O l'Oméga, rayon violet de Ses Yeux !

► L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles
L'étoile a pleuré rose au coeur de tes oreilles,
L'infini roulé blanc de ta nuque à tes reins
La mer a perlé rousse à tes mammes vermeilles
Et l'Homme saigné noir à ton flanc souverain.

► Le bateau ivre
Comme je descendais des Fleuves impassibles,Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.J'étais insoucieux de tous les équipages,Porteur de blés flamands ou de cotons anglais.Quand avec mes haleurs ont fini ces tapages,Les Fleuves m'ont laissé descendre où je voulais.Dans les clapotements furieux des marées,Moi, l'autre hiver, plus sourd que les cerveaux d'enfants,Je courus ! Et les Péninsules démarréesN'ont pas subi tohu-bohus plus triomphants.La tempête a béni mes éveils maritimes.Plus léger qu'un bouchon j'ai dansé sur les flotsQu'on appelle rouleurs éternels de victimes,Dix nuits, sans regretter l'oeil niais des falots !Plus douce qu'aux enfants la chair des pommes sures,L'eau verte pénétra ma coque de sapinEt des taches de vins bleus et des vomissuresMe lava, dispersant gouvernail et grappin.Et dès lors, je me suis baigné dans le PoèmeDe la Mer, infusé d'astres, et lactescent,Dévorant les azurs verts ; où, flottaison blêmeEt ravie, un noyé pensif parfois descend ;Où, teignant tout à coup les bleuités, déliresEt rhythmes lents sous les rutilements du jour,Plus fortes que l'alcool, plus vastes que nos lyres,Fermentent les rousseurs amères de l'amour !Je sais les cieux crevant en éclairs, et les trombesEt les ressacs et les courants : je sais le soir,L'Aube exaltée ainsi qu'un peuple de colombes,Et j'ai vu quelquefois ce que l'homme a cru voir !J'ai vu le soleil bas, taché d'horreurs mystiques,Illuminant de longs figements violets,Pareils à des acteurs de drames très antiquesLes flots roulant au loin leurs frissons de volets !J'ai rêvé la nuit verte aux neiges éblouies,Baiser montant aux yeux des mers avec lenteurs,La circulation des sèves inouïes,Et l'éveil jaune et bleu des phosphores chanteurs !J'ai suivi, des mois pleins, pareille aux vacheriesHystériques, la houle à l'assaut des récifs,Sans songer que les pieds lumineux des MariesPussent forcer le mufle aux Océans poussifs !J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables FloridesMêlant aux fleurs des yeux de panthères à peauxD'hommes ! Des arcs-en-ciel tendus comme des bridesSous l'horizon des mers, à de glauques troupeaux !J'ai vu fermenter les marais énormes, nassesOù pourrit dans les joncs tout un Léviathan !Des écroulements d'eaux au milieu des bonaces,Et les lointains vers les gouffres cataractant !Glaciers, soleils d'argent, flots nacreux, cieux de braises !Échouages hideux au fond des golfes brunsOù les serpents géants dévorés des punaisesChoient, des arbres tordus, avec de noirs parfums !J'aurais voulu montrer aux enfants ces doradesDu flot bleu, ces poissons d'or, ces poissons chantants.- Des écumes de fleurs ont bercé mes déradesEt d'ineffables vents m'ont ailé par instants.Parfois, martyr lassé des pôles et des zones,La mer dont le sanglot faisait mon roulis douxMontait vers moi ses fleurs d'ombre aux ventouses jaunesEt je restais, ainsi qu'une femme à genoux...Presque île, ballottant sur mes bords les querellesEt les fientes d'oiseaux clabaudeurs aux yeux blonds.Et je voguais, lorsqu'à travers mes liens frêlesDes noyés descendaient dormir, à reculons !Or moi, bateau perdu sous les cheveux des anses,Jeté par l'ouragan dans l'éther sans oiseau,Moi dont les Monitors et les voiliers des HansesN'auraient pas repêché la carcasse ivre d'eau ;Libre, fumant, monté de brumes violettes,Moi qui trouais le ciel rougeoyant comme un murQui porte, confiture exquise aux bons poètes,Des lichens de soleil et des morves d'azur ;Qui courais, taché de lunules électriques,Planche folle, escorté des hippocampes noirs,Quand les juillets faisaient crouler à coups de triquesLes cieux ultramarins aux ardents entonnoirs ;Moi qui tremblais, sentant geindre à cinquante lieuesLe rut des Béhémots et les Maelstroms épais,Fileur éternel des immobilités bleues,Je regrette l'Europe aux anciens parapets !J'ai vu des archipels sidéraux ! et des îlesDont les cieux délirants sont ouverts au vogueur :- Est-ce en ces nuits sans fonds que tu dors et t'exiles,Million d'oiseaux d'or, ô future Vigueur ?Mais, vrai, j'ai trop pleuré ! Les Aubes sont navrantes. Toute lune est atroce et tout soleil amer :L'âcre amour m'a gonflé de torpeurs enivrantes.Ô que ma quille éclate ! Ô que j'aille à la mer !Si je désire une eau d'Europe, c'est la flacheNoire et froide où vers le crépuscule embauméUn enfant accroupi plein de tristesse, lâcheUn bateau frêle comme un papillon de mai.Je ne puis plus, baigné de vos langueurs, ô lames,Enlever leur sillage aux porteurs de cotons,Ni traverser l'orgueil des drapeaux et des flammes,Ni nager sous les yeux horribles des pontons.

► Le bateau ivre
Comme je descendais des Fleuves impassibles,Je ne me sentis plus guidé par les haleurs :Des Peaux-Rouges criards les avaient pris pour cibles,Les ayant cloués nus aux poteaux de couleurs.
► Hypotyposes saturniennes, ex belmontet
Quel est donc ce mystère impénétrable et sombre ?
Pourquoi, sans projeter leur voile blanche, sombre
Tout jeune esquif royal gréé ?

Renversons la douleur de nos lacrymatoires. _
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L'amour veut vivre aux dépens de sa soeur,
-
L'amitié vit aux dépens de son frère.
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Le sceptre, qu'à peine on révère,
N'est que la croix d'un grand calvaire _
Sur le volcan des nations !
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Oh ! I'honneur ruisselait sur ta mâle moustache.

Belmontet
archétype Parnassien.
► Le pauvre songe
Peut-être un Soir m`attend
Où je boirai tranquille
En quelque vieille Ville,
Et mourrai plus content:
Puisque je suis patient!

Si mon mal se résigna,
Si j`ai jamais quelque or,
Choisirai-je le Nord
Ou le Pays des Vignes?...
-Ah! Songer est indigne

Puisque c`est pure perte!
Et si je redeviens
Le voyageur ansíen,
Jamais l`auberge verte
Ne peut bien m`être ouverte.

► Une saison en enfer. Vierge folle, l'Époux infernal
"Il dit : "Je n'aime pas les femmes. L'amour est à réinventer, on le sait. Elles ne peuvent plus que vouloir une position assurée. La position gagnée, coeur et beauté sont mis de côté : il ne reste que froid dédain, l'aliment du mariage aujourd'hui. Ou bien je vois des femmes, avec les signes du bonheur, dont, moi, j'aurai pu faire de bonnes camarades dévorées tout d'abord par des brutes sensibles comme des bûchers... "

► Une saison en enfer. Faim
Je devins un opéra fabuleux : je vis que tous les êtres ont une fatalité de bonheur : l’action n’est pas la vie, mais une façon de gâcher quelque force, un énervement. La morale est la faiblesse de la cervelle.

Le Bonheur était ma fatalité, mon remords, mon ver : ma vie serait toujours trop immense pour être dévouée à la force et à la beauté.

Cela s’est passé. Je sais aujourd’hui saluer la beauté.

► Une saison en enfer. L’impossible
Pourtant, je no songeais guère au plaisir d’échapper aux souffrances modernes. Je n’avais pas en vue la sagesse bâtarde du Coran

► Une saison en enfer. Adieu
Oui l'heure nouvelle est au moins très-sévère.
Car je puis dire que la victoire m'est acquise: les grincements de dents, les sifflements de feu, les soupirs empestés se modèrent. Tous les souvenirs immondes s'effacent. Mes derniers regrets détalent, - des jalousies pour les mendiants, les brigands, les amis de la mort, les arriérés de toutes sortes. - Damnés, si je me vengeais !
Il faut être absolument moderne.
Point de cantiques : tenir le pas gagné. Dure nuit ! le sang séché fume sur ma face, et je n'ai rien derrière moi, que cet horrible arbrisseau !... Le combat spirituel est aussi brutal que la bataille d'hommes ; mais la vision de la justice est le plaisir de Dieu seul.
Cependant c'est la veille. Recevons tous les influx de vigueur et de tendresse réelle. Et à l'aurore, armés d'une ardente patience, nous entrerons aux splendides villes.
Que parlais-je de main amie! Un bel avantage, c'est que je puis rire des vieilles amours mensongères, et frapper de honte ces couples menteurs, - j'ai vu l'enfer des femmes là-bas ; - et il me sera loisible de posséder la vérité dans une âme et un corps.
► Illuminations. Conte
L’excès permet à chacun de trouver sa vérité intime. (no es frase del poema, es el análisis)

► Illuminations. Ville
Je suis un éphémère et point trop mécontent citoyen d'une métropole crue moderne parce que tout goût connu a été éludé dans les ameublements et l'extérieur des maisons aussi bien que dans le plan de la ville. Ici vous ne signaleriez les traces d'aucun monument de superstition. La morale et la langue sont réduites à leur plus simple expression, enfin ! Ces millions de gens qui n'ont pas besoin de se connaître amènent si pareillement l'éducation, le métier et la vieillesse, que ce cours de vie doit être plusieurs fois moins long que ce qu'une statistique folle trouve pour les peuples du continent. Aussi comme, de ma fenêtre, je vois des spectres nouveaux roulant à travers l'épaisse et éternelle fumée de charbon, - notre ombre des bois, notre nuit d'été ! - des Erinnyes nouvelles, devant mon cottage qui est ma patrie et tout mon cœur puisque tout ici ressemble à ceci, - la Mort sans pleurs, notre active fille et servante, et un Amour désespéré, et un joli Crime piaulant dans la boue de la rue.

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